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Floriane Bléas

Floriane Bléas
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27 mars 2008

Singulièrement non ordinaire

Puisque je ne suis pas vraiment rancunière, j'ai acheté le dernier livre de David Abiker Contes de la télé ordinaire. J'ai mis de côté le fait qu'il m'avait promis Le mur des lamentations et qu'il ne me l'a jamais envoyé ! Ces hommes, tous les mêmes, à vous promettre monts et merveilles ...

Avec ce troisième ouvrage, David Abiker aborde son rapport aux images et à la télévision. En cinquante petites histoires rédigées entre 2005 et 2008, il balaye subjectivement le PAF : le patriarcale Patrick Poivre d'Arvor, la sulfureuse Carole Gaessler ou la redoutable Laurence Ferrari. Mot après mot, le chroniqueur radio décortique la mort du pape, épluche l'enlèvement de Florence Aubenas, réexamine l'affaire des bébés congelés avec un humour toujours aussi cinglant. David Abiker décrypte une télévision qu'il aime et se souvient d'une époque : « C'était avant qu'on critique la télévision et qu'on explique aux parents qu'il fallait en éloigner leurs enfants passés une certaine heure. » Car, pour lui, la sentence est sans appel : la télé va disparaître « Je prends des notes car je veux pouvoir témoigner de la fin, je veux pouvoir raconter aux ecouvnfants de mes enfants, à quoi ça ressemblait une publicité. Je veux leur dire qui était Poivre, cet homme à la parole magique qui disait « Madame, Monsieur Bonsoir » à des gens qui n'étaient pas dans la même pièce que lui. » Il rappelle à toute une génération le film du mardi soir : celui pour lequel il n'y avait même pas à se battre puisque le lendemain, il n'y avait pas école. « Maintenant, le mardi soir, il y a des émissions de coaching. Un psy, une baby-sitter ou un animateur débarque dans la vie des gens pour les aider à « gérer leur côté obscur »

Voyeurisme médiatique

Derrière cet humour corrosif, David Abiker m'omet pas de prendre partie contre la peopolisation de l'information, contre un gouvernement au sein duquel Brice Hortefeux à un rôle taillé sur mesure : «  faire salaud lui va si bien au teint que c'est injuste », contre un voyeurisme médiatique propre au petit écran qui n'hésite pas à mettre en lumière de façon tout à faire arrangé, l'évacuation de mal-logés parisiens : « Qui veut donc voir ça ? Les mal-logés ? Les Parisiens ? Ils ne sont certainement pas favorables à ces vidages forcés. Les téléspectateurs ? Non, moi je n'ai pas demandé qu'on me montre l'entrée fracassante en plan large d'un groupe de CRS chargés d'évacuer un squat. Je trouve le plan esthétiquement magnifique, l'occasion de filmer inespérée mais il me reste quelques gouttes d'humanité et je trouve donc que cette image de « rafle, comme si j'y étais » ne sert strictement à rien. Cette image ne sert à rien, elle est illégitime, sans morale, sans nécessité, sans utilité. C'est une image organisée, un coup monté légal, les cameramen et les preneurs de son ont eu le temps de s'installer, d'attendre face à la porte qu'on va défoncer. La seule utilité de ce plan indigne est de nous convaincre que l'Etat ne fait pas rien. L'état ne fait pas rien, il fait pire. »

Avec la plume qu'on lui connaît, David Abiker livre avec Contes de la télé ordinaire un ouvrage aussi subversif que drôle. A lire au lieu de s'avachir devant la télé.

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20 mars 2008

Accident de parcours ?

Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que Philippe Besson sort un livre, je suis la dernière au courant. Est-ce Julliard qui fait mal son travail de communication ou mes yeux de journaliste qui ne se posent jamais aux bons endroits ? Va savoir. Une fois de plus, perdue dans le rayonnage d'une librairie, je divague à la recherche d'une délectation littéraire. Surprise, Un homme accidentel, dernier ouvrage de mon auteur favori, me fait de l'oeil. Je bougonne intérieurement : « P*****, mais comment ça se fait que je sois pas au courant qu'il ait sorti un nouveau livre !!! ». Sagement disposé sur une table, Un homme accidentel entame sa phase de séduction : titre accrocheur, couverture remarquable ... Pas besoin de plus : entre lui et moi, tout est déjà joué. Voir écrit Philippe Besson me suffit pour que j'achète sans même regarder le prix ou l'histoire conté.

A l'américaine

Avant même d'entamer la lecture, je savoure déjà les moments à venir : Philippe Besson est un maître dans l'exploration des sentiments humains. Par le biais d'un style inégalable, il sonde l'âme des Hommes avec une extrême pudeur. En lisant la quatrième de couverture, je découvre qu'Un homme accidentel s'attache « au coup de foudre et à ses conséquences ». Un coup de foudre entre deux hommes, deux écorchés vifs. Et, dubitative, je découvre aussi que notre intrigue se passe à Los Angeles sur fond d'assassinat et de vedettes hollywoodiennes. Un polar à l'américaine, surprenant pour du Besson, mais pourquoi pas ... C'est peut-être une manière pour l'auteur d'explorer un nouveau genre littéraire.

Insipide

Au fil des pages, j'attends. J'attends l'émotion, j'attends l'envol littéraire. Parfois, à la faveur de quelques lignehomme_accidentels, je retrouve dans les mots, l'auteur que j'ai rencontré au Salon du livre de Caen _ par hasard, une fois de plus, je ne savais pas non plus qu'il y serait présent_ celui qui m'a subjugué par sa simplicité. Mais dans Un homme accidentel, c'est l'incompréhension. Si quelques passages sont d'une immense intensité, le tout me paraît insipide. Mes excuses à ceux qui adulent, j'ai l'impression de lire du Musso ou du Lévy. C'est bon mais ce n'est pas transcendant ... La critique littéraire est pourtant unanime : Un homme accidentel est une réussite. « Tout cela est sensible, se lit comme une évidence. Philippe Besson a du talent et du métier. Ceux qui ont aimé ses précédents romans vont adorer », écrit Jean-Claude Perrier dans Livres Hebdos. Pour le talent et le métier, je partage, pour le reste, peut-être est-ce du à trop d'exigences de ma part mais la quasi totalité du roman sonne faux. Probalement sommes nous toujours déçu, un jour, par ceux que l'on aime ?

Un homme accidentel, Julliard, 252 pages, 19 €

Les précédents romans de Philippe Besson :

en_l_absence_des_hommes

un_garcon_d_italiel_arriere_saisonjours_fragilesson_frereadieuxun_instant

l_enfant

Philippe Besson est aussi l'auteur de L'enfant d'Octobre (Grasset), un livre qui revient sur l'assassinat en 1984 du petit Grégory. En alternance avec la narration des faits, Philippe Besson a imaginé le récit de Christine Villemin, la mère de Grégory, longtemps soupçonné d'avoir assassiné son enfant.

17 janvier 2008

Insatiable

Ultime bouquin acheté au festival du livre de Mouans-Sartoux : Vorace de Anne-Sylvie Sprenger. Un roman de 133 pages qui se siffle aussi facilement qu'une bonne bouteille. Vorace raconte l'histoire d'une jeune femme de 27 ans usée par la fascination qu'elle voue aux corps. Au sien, trop gros, trop gras. A celui de Frédéric, son amour, trop fin, trop grêle, qu'elle aime pourtant parcourir de ses mains et contempler derrière un rideau de douche. « Je suis hypnotisée par ce corps. J'envie tellement la pureté de ses lignes, l'exactitude des contours. »

Épuré

A travers le parcours de cette femme, Vorace témoigne d'un mal du corps, d'un mal de l'âme : la boulimie. « De la cuisine aux toilettes, de la cuvette au frigo », l'héroïne livre ses angoisses, ses excès, ses péchés de chair. Anne-Sylvie Sprenger signe ici un premier roman. En abordant ce rapport pathologique à la nourriture, la journaliste suisse livre une réflexion fine et sensible tant sur la boulimie que sur ses causes. Le style est épuré et incisif. Avec l'adresse des mots, Anne-Sylvie Sprenger plonge son lecteur dans le quotidien d'une femme qui rejette le miroir non pas pour l'image qu'il lui renvoi mais à cause de ce reflet qui ne la réfléchit pas.

                                                                                                       

4e de couverture

vorace« Je m'appelle Clara Grand, j'ai vingt-sept ans et je crois en Dieu. Même plus : je crois en Dieu et j'ai peur de le perdre. J'aime la couleur. Le kitsh, surtout. Ça ne me ressemble pourtant pas. Enfin pas à celle que je suis. A l'autre ? A celle qui est devenue moi ? Assurément. Elle est gaie, joviale, féminine. Moi, Clara, je suis boulimique.

« Je m'appelle Clara Grand, j'ai vingt-sept ans et j'aime Frédéric. Même âge. Lui, Frédéric, il est anorexique.

« Presque toujours, quand j'ai trop bouffé, je me fais vomir. Quand je me sens sale, je me fais jouir. Et Dieu me regarde. »

Vorace de Anne-Sylvie Sprenger, 12 euros, Fayard

14 janvier 2008

Les prémices d'un monopole

Le pluralisme dans l'Ouest est menacé par les rachats successifs du groupe Ouest-France

Son nom raisonne de Brest à La Rochelle : Ouest-France. Premier quotidien de France depuis 1975, avec un tirage moyen de 800 000 exemplaires, Ouest-France imprime chaque jour 40 éditions diffusées sur douze départements. Mais avant d'être un journal, Ouest-France est aussi un empire : un groupe de presse. Et donc un modèle de concentration.

Dans les écoles de journalisme, lorsque l'on cite Ouest-France, c'est souvent pour évoquer le fascinant parcours du quotidien et très peu pour mentionner l'exemple concentrationnaire que le groupe représente. La Presse de la Manche (Cherbourg), Le Courrier de l'Ouest (Angers), Presse-Océan (Nantes) et Le Maine libre (Le Mans), c'est Ouest-France. Quatre quotidiens a priori différents et a fortiori, quatre quotidiens au pluralisme discutable. Ouest-France, ce n'est pas que ça. C'est aussi une régie publicitaire, Précom, une régie d'affichage publicitaire, une station de radio, Hit West, une maison d'édition de livres, Edilarge, trois chaînes de télévisions locales, Nantes 7, Angers 7 et TV Rennes, une société multimédia, Ouest-France Multimédia qui développe par exemple le réseau de sites Maville.com, un groupe de presse gratuite, Spir Communication, qui édite des journaux de petites annonces (Top Annonces, Logic Immo) ainsi que le gratuit 20 minutes. Mais par dessus tout, Ouest-France c'est Publihebdos,  une filiale qui regroupe à elle seule 57 hebdomadaires de régions !

Restructuration

La diffusion totale payée des quatre quotidiens régionaux du groupe Ouest-France était de 1 000 000 d'exemplaires en 2005. A cela s'ajoutait la diffusion de 350 000 exemplaires d'hebdomadaires locaux. En 2007, Publihebdos a encore gagné du terrain en rachetant seize autres hebdomadaires au groupe Hersant. Aujourd'hui, sa diffusion totale est estimée à 520 000 exemplaires, soit 30 % de la diffusion de la presse hebdomadaire régionale française. Les titres sont répartis entre l'Ouest, le Nord et la région parisienne. « Nos hebdomadaires sont synonymes de proximité géographique et aussi affective, car ils tissent le lien entre les personnes et les communautés locales. Ils permettent à chacun de se reconnaître dans une communauté humaine », relate Francis Gaunand, président du directoire de Publihebdos. Ces OFhebdomadaires sont également synonymes de standardisation et il semble peu probable qu'un titre aille à l'encontre des intérêts de son propriétaire. Même si les contenus sont différents, la ligne éditoriale est celle du groupe. Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), premier syndicat de la profession, avait estimé lors du rachat des seize titres que « cette réunion, au sein d’un même groupe, de médias différents et de titres dont certains en concurrence directe, constituait une nouvelle atteinte au pluralisme dans l’Ouest. » Cette concentration accentue également la précarisation des journalistes. Le SNJ évoquait « un risque d'appauvrissement de l'offre de lecture et une réduction des emplois », à cause, notamment, de la mutualisation des moyens rédactionnels. D'ailleurs, lors du rachat en 2005 de Presse-Océan, Le Courrier de l'Ouest et le Maine Libre, le Pdg de Ouest-France, François-Régis Hutin, n'avait pas caché que cet acte entraînerait « d'inévitables restructurations et des réductions d'effectifs ».

Le rapport Lancelot

La dernier rachat du groupe Publihebdos date d'octobre 2007. Le Journal de Vitré, diffusé à 7 500 exemplaires, a lui aussi été englouti par la machine infernale du groupe Ouest-France. « En peu d'années, notre groupe a pris une dimension qui le situe parmi les premiers groupes français d'information et de communication. Il doit être encore davantage structuré, managé de la façon la plus cohérente possible, pour assurer la pérennité et le développement de toutes les entités qui le composent. »,  a expliqué François Régis Hutin. Structuré ... Managé ... Des termes bien « économiques » et qui inquiètent trop peu. En 2006, un rapport sur la concentration dans les médias (le rapport Lancelot) commandé par le premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, concluait que l’état actuel de la concentration dans le domaine des médias ne constituait pas une menace pour le pluralisme. Pour parvenir à de telles conclusions, il semble que la commission ait fait le choix de considérer l’information comme une marchandise. A ce rythme, l'indépendance des équipes rédactionnelles vis-à-vis de leurs propriétaires sera rapidement mise à mal, si elle ne l'est pas déjà. Face à cette situation de quasi monopole dans l'Ouest de la France, la défense du pluralisme de l’information n’est pas seulement l’affaire des journalistes. Elle est l'affaire de tous pour ne pas qu'un jour, la presse régionale dans l'Ouest ne parle plus que d’une seule voix.

10 janvier 2008

Donner, est-ce aussi recevoir ?

donationbAcheté au cours d'une déambulation au festival du livre de Mouans-Sartoux, La donation de Florence Noiville est un premier roman qui fait s'infiltrer à l'intérieur d'une âpre nébuleuse. C'est en tout cas toujours un peu l'effet que me fait un livre lorsqu'il pose plus de question qu'il n'offre de réponse. Néanmoins, l'écriture est délicate et les mots exquis.

Au fil des pages, La donation évoque un sujet poignant : la transmission filiale. « Ma mère m'a donc donné tout ça en vrac, le bon, le mauvais, le clair, l'obscur, à son insu. Elle a donné le la de nos relations familiales. » Le mauvais, l'obscur, ce sont les souvenirs d'une petite fille évincée lors des dépressions successives de sa mère. Des souvenirs qui lui reviennent en gare de Tours, après un entretien chez le notaire, au sujet d'une donation justement. Des souvenirs qui l'interrogent : hérite t-on des psychoses de ses parents ? Se peut-il que les troubles dont sa mère a souffert lui viennent de sa propre mère ? Peut-elle à son tour les insuffler à ses filles ?

A la faveur de ce récit bref et perçant, La donation fait état d'un lien qui parfois délie. D'un lien qu'il faut parfois une vie pour comprendre et accepter. Seule faiblesse de ces 126 pages, une fin avec quelques mots de trop ... L'ignorance a parfois un intérêt salvateur.

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30 décembre 2007

A l'eau !

L'an dernier, à la même époque, sur ce même blog, j'écrivais un petit billet sur le bain de Noël à Agon-Coutainville. Je le terminais par "L'an prochain, c'est décidé, j'y vais !" Ni une, ni une ... Une promesse est une promesse ! Samedi 29 décembre, mon grain de folie et moi avons été nous jeter dans l'eau vivifiante de la Manche ! Photos et attestation de la mairie à l'appui.

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bainbis   lol   blup

30 décembre 2007

Le crépuscule des mâles

Un livre, c'est un peu comme un homme. C'est souvent lui qui vous trouve. Pour Le musée de l'homme, abikc'est sérieusement ce qui s'est passé. A l'occasion d'un colloque de convenance sur l'avenir du journalisme, je déambule avec Louise, mon homologue de galère, dans l'espace Miramar de Cannes. Dans un premier temps, notre seule véritable occupation consiste à se détruire la santé en fumant clope sur clope. Une sorte d'exil. Sans préavis, la réalité nous rattrape : « Louise, Floriane. Interview. David Abiker. Tout de suite. Maintenant. » Ah oui. C'est vrai. On est là pour ça (ça, c'est le journalisme). Plusieurs options s'offrent à nous : partir en courant ou ... partir en courant. La vérité : on ne sait pas qui est David Abiker.

Chroniqueur

Pas de panique. Surtout pas de panique. Avec Louise, on est « pro », parées à toutes épreuves (pourvu qu'on les traverse ensemble!). Sourires de circonstance. David Abiker a du temps. David Abiker est charmant. David Abiker est captivant. A bientôt 39 ans, il n'a pas de carte de presse, n'a pas fait d'étude de journalisme et a pourtant été chroniqueur de l'émission Arrêt sur images sur France 5 et chroniqueur pour l'édition française du magazine masculin Men's Health. Aujourd'hui, A la une du Web sur France Info, c'est aussi lui. L'interview terminée (dans des conditions correctes), nous courrons acheter son livre : Le musée de l'homme aux éditons Folio (5.60€).

La fin du sexe fort

Le temps passe. Le livre trouve une place confortable sur ma table de chevet entre L'utérus artificiel d'Henri Atlan, museeL'esprit des Lumières de Tzvetan Todorov, Le ciel m'attendra de May Chidiac et La donation de Florence Noiville. Il « s’empoussière » légèrement, admettons-le. Il suffira d’un TGV Cannes-Paris (celui de 14h02 du 21 décembre 2007) pour lui redonner sa place : en haut de la pile ! Le paysage file et Le musée de l'homme me rend frénétique. Je le savoure en me délectant des mots d’Abiker et en dégustant son humour. Le sexe fort est anéanti et le sous-titre de cette petite prouesse littéraire n’était pas erroné : Le fabuleux déclin de l’empire masculin. Deux épigraphes annoncent les nuances d’un livre à la verve lumineuse : « Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui » et « Bonne chance mon papa ». La première est de Claude Lévi-Strauss. La seconde de Louis Sarkozy. Il n’en faut pas plus pour m’octroyer un sourire. Que je ne perdrais qu’en entendant « Paris-Ici Paris. Veuillez nous excuser pour ce retard ».

Déchéance masculine

Avec une pincée de cynisme et un soupçon de franc-parler, David Abiker offre un « manuel de lâcheté conjugale, un traité de puériculture déjanté » sous la forme d’un livre (presque) confession. Le trentenaire de l’an 2000 n’a plus grand intérêt : il peine à planter un clou, il s’éternise dans la salle de bain et va même jusqu’à pousser les portes des instituts de beauté, exclusivement réservés aux femmes jadis … Et si Le musée de l’homme témoigne d’une décadence de l’empire masculin, il atteste également de la nouvelle ascendance des femmes. A savourer.

21 décembre 2007

Au bord de l'abîme

Abîmé. Massacré. Saccagé. Pillé. Et surtout, à jamais, marqué. Que peut-il éclore, demain, des plaies du Liban si ce n'est la désolation, le désespoir, la douleur et le découragement ? « Tant l'horizon est opaque, il y a fort à parier que toutes les options demeureront ouvertes au Liban, y compris les pires. », relate Mouna Naïm, reporter pour le quotidien Le Monde. A l'aube de l'élection d'un nouveau président au Liban, la paix dans ce pays ressemble toujours à un funambule : en équilibre, mais sur le fil de la vie.

Frères ennemis

Telle une mère et son enfant, l'histoire du Liban est indivisible de celle de la Syrie. Pays limitrophes à la culture analogue, leurs mémoires s'entrelacent de passion et de haine. Malgré la déclaration de son indépendance en 1943, le pays des Cèdres est condamné, pour certains, à ne demeurer qu'une « province » de la Syrie. En 1975, alors que le Liban connaissait une guerre confessionnelle et civile, le gouvernement libanais a fait appel à Damas pour soutenir les chrétiens maronites. En 1976, le président syrien Hafez el-Assad ordonne l'entrée de troupes et de blindés au Liban. Ce qui était à l'origine un soutien devient alors une occupation. Quelques mois plus tard, le Liban est contraint de reconnaître la légitimité de la présence de la Syrie en son sein. De frère, la Syrie se métamorphose en un frère ennemi. « Nous vivons dans un pays où les drames s'enchaînent. Nous vivons dans un pays où on doit souffrir et souffrir encore pour gagner notre indépendance. », témoigne May Chidiac, journaliste libanaise anti-syrienne, victime d'un attentat à Jounieh (nord de Beyrouth) le 25 septembre 2005. C'est à cette même période que les forces syriennes consentent, sous la pression des Nations-Unies, à se retirer du Liban. « La Syrie et le Liban ont un lien anthropologique. On ne peut pas gouverner le Liban sans la Syrie mais on ne peut pas gouverner le Liban de Damas. », analyse Gérard D. Khoury, écrivain et historien, spécialiste du Liban.

Clivages confessionnels

De cette occupation, et de toutes les autres au cours des siècles, sont nées des hétérogénéités religieuses qui aujourd'hui déchirent le pays. L'histoire du Liban est « marquée par l'interpénétration de l'islam et du christianisme depuis treize siècles », note Georges Corm, écrivain et juriste libanais. L'émergence des communautarismes religieux sur ce territoire multi-confessionnel était sans doute inéluctable. La communauté chrétienne libanaise est dominée par les maronites, qualifiés deLiban_religions catholiques d'Orient. Parmi les musulmans, les chiites sont supérieurs en nombre aux sunnites. Les druzes, issus d'une branche du chiisme et professant une religion musulmane s'éloignant du dogme, sont minoritaires. Contrairement aux chiites, les druzes sont amplement considérés par les autres musulmans comme des hérétiques. Chacune de ces confessions craint la main mise d'une autre sur le pouvoir. Les maronites par exemple exigent que l'on accorde le droit de vote à la diaspora libanaise, majoritairement chrétienne. Les sunnites, eux, invoquent la possibilité de naturaliser les palestiniens ayant été expulsés d'Israël et de la Jordanie, majoritairement sunnites. Cette scission actuelle de la société libanaise, tout comme la guerre de 1975 évoquée plus haut, ne sont rien d'autre que des courses au pouvoir nées de clivages confessionnels. Des cicatrices de ces conflits, chacun pourrait tirer une leçon : on nait libanais avant de devenir maronite, chiite, sunnite ou druze etc. Malheureusement, les blessures trop profondément ancrées de ces hommes et de ces femmes entravent un tel discernement et partout, on prône un rééquilibrage, impossible, du partage des pouvoirs entre les différentes communautés. Dans ce pays divisé, le rétablissement de l'autorité de l'état semble être une priorié pour mener à la paix.

Hariri, l'espoir assassiné

Le 14 février 2005, le Liban vit probablement un tournant de son histoire. A 12h11, le véhicule blindé de Rafiq Hariri est la cible d'un attentat. L'ancien premier ministre et une douzaine d'autres personnes sont tués sur le coup. Pour la première fois depuis des décennies, les habituelles barrières communautaires et religieuses semblent ne plus compter. Le Liban tout entier, uni, descend dans les rues, condamne l'assassinat de cet homme et pointe immédiatement du doigt la Syrie. Assassinat_AririPourtant, Rafiq Hariri ne faisait pas l'unanimité dans le coeur des libanais. « Si nous rassemblions les irrégularités et abus commis par Hariri, auxquels s’appliquent les dispositions du Code pénal, il serait passible de neuf mille ans de prison. Il n’y a aucun article qu’il n’a pas violé. », témoignait en 1997 Najah Wakim, symbole du refus de la corruption chez les hommes politiques libanais. Rafic Hariri était également contesté pour avoir acquis « un contrôle fort sur les médias (...) Lors des gouvernements qu'il (Rafic Hariri) a dirigés, il n'a pas hésité à fermer les télévisions qui lui étaient hostiles, à poursuivre ou fermer provisoirement les journaux qui se permettaient de l'attaquer. », indique Georges Corm. Que l'on partage, ou non, la vision qu'avait Hariri du Liban, son assassinat a annihilé tout espoir de paix et a cristallisé la vie politique libanaise en deux camps : les pro syriens et les anti syriens. « En un an, il y a eu quatorze attentats. Marwan Hamadé, Elias el-Murr et moi en avons réchappé, mais pas Samir Kassir, Gebrane Tuéni, Georges Haoui et Rafiq Hariri, sans compter leurs gardes du corps et les nombreuses victimes « collatérales » comme on le dit aujourd'hui. », écrit May Chidiac dans son livre saisissant Le ciel m'attendra.

Enrayer les influences

Dernièrement, le Liban a encore été endeuillé par l'attentat qui a coûté la vie au général François El-Hajj (12 décembre 2007). Pour la première fois, cet assassinat visait un membre de l'armée et non plus une « souveraineté » politique. Une « souveraineté » très relative d'ailleurs puisque le Liban, bien qu'indépendant, a toujours été et demeure un pays sous influence. Le récent voyage au Liban (à la mi-décembre 2007) de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires Étrangères, atteste de l'ascendance de la France sur le pays des Cèdres. Depuis l'expiration du mandat du président Emile Lahoud (en novembre 2007), le Liban traverse un vide institutionnel majeur. Bernard Kouchner était censé apporter des éléments de réponse à cette crise. En vain. Il a néanmoins appelé à une élection présidentielle sans délai et a exhorté « la communauté internationale à exercer en ce sens la plus grande influence possible ». Dans ce contexte, la candidature d'un seul homme semble envisageable. C'est celle du général Michel Sleimane, commandant de l’armée. Il est soutenu par des pays arabes puissants comme l’Egypte et l'Arabie saoudite. La France et les États-Unis n'auraient a priori aucune raison non plus de s'y opposer. « Le Général Sleimane est un candidat agrémenté par la Syrie. Il a fait ses preuves dans sa gestion de la crise à Nahr el-Bared : il a réussi à éradiquer le Fatah al-Islam de ce camp de réfugiés palestiniens. C'est le candidat du compromis. Il est un gage pour l'unité du Liban. », assure Gérard D. Khoury. Toutefois, cet éventuel futur président, a fait preuve d'habileté en évitant de se prononcer sur la question du désarmement du Hezbollah. Une question qu'il faudra pourtant bien aborder pour espérer obtenir la paix au Liban.

Fragilité

« Le parti de Dieu », plus connu sous le nom de Hezbollah, a été fondé en 1982. Mouvement politique chiite libanais à l'origine, il est aujourd'hui assimilé à un réseau terroriste du fait de sa branche armée. Pour l'Iran et la Syrie, le Hezbollah est au contraire un mouvement de résistance et c'est à ce titre que les deux pays participent à son financement. Le 2 septembre 2004, la résolution 1559 adoptée par le conseil de sécurité de l'ONU prévoyait le désarmement et la dissolution de toutes les milices libanaises. Le Hezbollah était principalement visé mais aussi la milice chrétienne du nom de Forces Libanaises. Une autre résolution, la 242 du Conseil de sécurité de l'ONU, réaffirmait également en 2004 l'indépendance politique du Liban. La candidature du général Michel Sleimane à une élection présidentielle semble ouvrir la porte à son application. Mais le Liban n'est à l'abri d'aucun bouleversement. Il est aujourd'hui au bord de l'abîme. Et tant que ces deux résolutions n'auront pas été entièrement appliquées, la paix semble sévèrement compromise au Liban.

21 décembre 2007

La cruauté porte un nom

L'histoire du Liban de ces cinquante dernières années est dépréciée par bien des maux. Guerres civiles et attentats politiques ont plus d'une fois porté atteinte à l'intégrité du pays. Mais s'il y existait une échelle de l'horreur, le massacre de Sabra et Chatila (du nom de deux camps de réfugiés palestiniens se trouvant au Liban) y serait probablement bien classé. Genèse.

Le 14 février 1982, le nouveau président de la république Libanaise (élu par l'assemblé nationale trois semaines auparavant bachirgemayelseulement et soutenu par Israël), Bachir Gemayel, est assassiné. A l'annonce de sa mort, la stupéfaction gagne les esprits. Surtout ceux des militants des Forces Libanaises, une milice chrétienne que Bachir Gemayel avait fondé en 1976. Ariel Sharon, alors ministre israélien de la défense, ne reste pas insensible à cet assassinat et trouve en lui un mobile pour envahir Beyrouth-Ouest. C'est là que se trouvent deux camps du nom de Sabra et Chatila. Des exactions à l'encontre des réfugiés palestiniens s'y trouvant seront perpétrées. Des exactions qui donnent aujourd'hui un nom à la cruauté humaine : Sabra et Chatila.

Pierre Péan, reporter pour le quotidien Le Monde, est retourné sur place vingt ans après les faits pour tenter de comprendre ce qui s'était réellement passé cette nuit du 16 au 17 septembre 1982. « Le temps n’a rien lavé. Tout au long de mon enquête, j’ai été tétanisé par ces récits qui charrient, enchevêtrés, enfants égorgés ou empalés, ventres de femmes ouverts avec leurs foetus, têtes et membres coupés à la hache, monceaux de cadavres... Jusqu’à la nausée. », rapporte t-il dans un article. Personne n'a été épargné. Aucune différence n'a été faite entre les combattants de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et les civils. Le massacre a été punitif. A ce jour, seule une historienne libanaise, Bayan Hout, a essayé desabra018_3_440x606 faire la lumière sur le nombre de victimes de Sabra et Chatila en recoupant tous les témoignages possibles et imaginables : « 906 tués, dont la moitié de Palestiniens et 484 disparus, dont 100 ont été sûrement enlevés. Soit un chiffre global de 1 390 victimes identifiées. », conclue t-elle. L'enquête officielle menée par une commission israélienne, dirigée par le juge Itzhak Kahane, ne s'est jamais penchée sur la question des victimes mais sur celle des responsabilités. Rendue publique en février 1983, elle incrimine directement l'organisation chrétienne des Forces libanaises (dirigée à l'époque par Elie Hobeika, un agent syrien opérant au sein de la milice et assassiné dans un attentat à la voiture piégée devant son domicile à Beyrouth, le 24 janvier 2002) et indirectement Ariel Sharon, pour n'avoir « pris aucune mesure pour surveiller et empêcher les massacres ».

Vingt-cinq ans après, le doute plane toujours sur la responsabilité d'Israël dans ces actes d'inhumanité. S'il apparaît que l'armée israélienne n'a pas donné son accord pour perpétrer ces exactions, il semble toutefois qu'elle n'ait fait preuve d'aucune opposition.

La commission Kahane n'aura jamais enquêté que sur les responsabilités israéliennes. Aucun dirigeant libanais ne sera inculpé pour avoir refusé de faire entrer l'armée libanaise dans les camps afin de mettre un terme aux massacres.

21 décembre 2007

Les clandestins du Cotentin

Les Normands le savent tous : « Cherbourg, on y vient. On n'y passe pas par hasard. » Ce précepte est inhérent à cette agglomération enclavée à la pointe du Cotentin. Il trouve un écho singulier lorsqu'il est assimilé au rôle complexe que joue Cherbourg aujourd'hui face à l'affluence d'immigrés clandestins. Depuis la fermeture du centre d’hébergement et d’accueil d’urgence humanitaire de Sangatte en 2002 (créé en 1999), des dizaines de clandestins joignent cette ville maritime de la Manche dans l'espoir de pouvoir, un jour, gagner l'Angleterre.

Des CRS pour solution

La majeure partie de ces immigrés est irakienne. De jour, ils squattent un terrain municipal. A l'abri, sous des tentes, ils sont discrets. Lorsqu'on les remarque, c'est furtivement. Aux abords du centre commercial. Aux alentours de la rade. De nuit, ils se volatilisent. Mais tout le monde sait où leurs pas les mènent. Vers la gare maritime de Cherbourg. Le rêve d'Angleterre est tenace. Quand le crépuscule pointe, le dispositif s'enclenche. « Les tentatives de passage se font dans des conditions de plus en plus tendues et violentes. », affirme le député-maire de Cherbourg, Bernard Cazeneuve. « Aujourd'hui, les chauffeurs routiers ont tous ou presque des battes de base-ball dans leur cabine pour se défendre », témoigne Serge Henry, directeur d'exploitation à la Chambre de commerce et d'industrie. Pour tenter de palier cette situation insupportable en de nombreux points, un collectif contre le racisme cherbourgeois exige la création d'un centre d'accueil des réfugiés depuis plus d'un an. La seule réponse qui leur a été apportée a été l'arrivée de renforts de CRS à la mi septembre, directement envoyés par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Brice Hortefeux. Remonté au niveau national, le cas de Cherbourg inquiète. Pour autant, peu de solutions durables sont envisagées.

Le statut des Irakiens

A Cherbourg, les interpellations de clandestins se multiplient. N'en déplaise à certains, les forces de l'ordre sont systématiquement obligées de relâcher les immigrés irakiens qu'ils arrêtent. « Ils ne sont pas expulsables. Leur pays est en guerre. A Cherbourg, nous avons une tradition d'hospitalité, mais l'État est incapable de donner un cadre législatif satisfaisant pour gérer humainement la question de ces migrations d'urgence. », explique Bernard Cazeneuve. La législation française donne en effet aux Irakiens, et à quelques autres nationalités, un statut particulier. Clandestins sur le territoire national, la police aux frontières (PAF) est en droit de les arrêter mais le préfet ne peut ordonner à leur encontre un renvoi. Il ne peut que les « inviter » à rentrer chez eux, en Irak, où la guerre continue. Les autres migrants arrêtés sont, eux, systématiquement reconduits vers leur pays d'origine. Si la ville de Cherbourg déclare alerter régulièrement la préfecture de l'évolution de la situation, peu de choses ont changé sur place ces derniers mois. « La municipalité ne prendra pas le risque de se substituer à l'État en organisant l'accueil de réfugiés Irakiens alors qu'elle ne dispose ni des compétences, ni des moyens de cet accueil. », relate le maire. Afin de trouver une solution humaine acceptable, l'Etat doit intervenir et en particulier, le président de la République, Nicolas Sarkozy qui, en 2002, alors ministre de l'Intérieur, avait ordonné la fermeture du centre de Sangatte.

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Floriane Bléas
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