Vingt-cinq futurs journalistes à l’école d’application de l’artillerie de Draguignan
Changement de décor pour les étudiants en journalisme de l’IUT de Cannes. A sept heures du matin, le 19 février dernier, ils avaient rendez-vous avec une institution qu’ils n’ont pas vraiment l’habitude de fréquenter mais qu’ils pourraient bien être amenés à côtoyer dans l’exercice futur de leur profession : l’armée.
Mine blême. Attitude amorphe. Regard éteint. Se lever aux aurores pour se rendre à l’école d’application de l’artillerie de Draguignan n’était visiblement pas du goût de toutes les plumes en herbe de l’IUT journalisme de Cannes. C’était pourtant un exercice particulier qui les attendait : interviewer des lieutenants et des sous-lieutenants sur des sujets « sensibles » : l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, le Rwanda, le Tchad et le Liban. Objectif pour eux : user des techniques de l’entretien télévisé apprises lors de leur formation. Mission pour les militaires : s’accoutumer à la présence d’une caméra et préserver l’intégrité de leur institution devant celle-ci. A peine le temps du trajet et tous les futurs journalistes semblent sur le qui-vive. Armés de dossiers de presse et de questions aiguisées, ils sont reçus par le général Olivier Dugast, non sans quelques viennoiseries et autres attentions de bienvenue.
Un air de JAPD
Dans un amphithéâtre aux murs kaki, qui n’est
toutefois pas sans leur rappeler le leur, et Power point* à l’appui,
les étudiants en journalisme découvrent l’école d’application de
l’artillerie de Draguignan. Une école unique en France qui vise à
former des lieutenants et des sous-lieutenants à l’artillerie sol-sol
(unités et systèmes d'armes qui prennent à partie des objectifs au sol)
et à l’artillerie sol-air (qui prennent à partie des aéronefs). « Ca me
rappelle ma JAPD (Journée d’appel à la défense) ! » murmure une
étudiante en levant les yeux au ciel. Le laïus du général captive une
poignée d’étudiants tandis que d’autres en profitent pour rattraper
quelques minutes de sommeil. La scène ressemble somme toute à une salle
de classe plutôt classique sauf que cette fois ci le professeur porte
un uniforme. A l’évocation du système de communication de l’armée,
l’assemblée s’éveille. Le sujet intéresse les informateurs de demain
surtout lorsque ceux ci découvrent, presque avec étonnement, qu’un spot
télévisé diffusé à 20h30 sur TF1 pour le recrutement de l’armée coûte
163 millions d’euros à la Défense.
La bataille des mots
Autour d’un buffet froid, les étudiants échangent ensuite leurs premières impressions. Petit à petit, d’autres étudiants, ces lieutenants en formation qui ne sont pas beaucoup plus âgés qu’eux, se joignent à la discussion. « Sur ordre », a indiqué l’un d’entre eux en ricanant. Le dialogue s’instaure rapidement. La timidité fait place à l’interactivité sur fond de tutoiement. A 13h cependant, chacun retrouve la place qui lui est attribuée : intervieweur et interviewé. Les affinités qui se sont tissées sont mises de côté et le vouvoiement reprend ses droits. « L’armée française a t-elle joué un rôle dans le génocide rwandais ? », « Pouvez-vous me parler de l’opération turquoise ? », « Des soldats français sont accusés de viol sur des rwandaises ; les militaires abusent ils de leur pouvoir sur le terrain ? ». Les questions fusent. Les réponses sont vagues et hésitantes. Les gestes perturbés et confus. La caméra, au même titre que la plume, est une arme. Les lieutenants et sous-lieutenants semblent en prendre conscience. Ils pèsent aussi le poids des mots. Heureusement pour certains, cela n’était qu’un exercice. Sinon, il y aurait eu du grabuge au ministère de la Défense ! Jacques Araszkiewiez, directeur du département Information et communication de l’université de Nice Sophia-Antipolis et le colonel Olivier se sont tous les deux félicités de ce « métissage ». Une rencontre entre ces deux univers aux contrastes notoires était osée. De cette disparité est née un exercice instructif et enrichissant sur fond de guerre singulière : celle des médias.
* logiciel de présentation